GOV’T MULE : The Tel-Sessions (Recorded 1994 – 2016 / Provogue)
Musicians:
Warren Haynes
Allen Woody
Matt Abts
Titles :
1 Blind Man in The Dark
2 Rocking Horse
3 Monkey Hill
4 Mr. Big
5 The Same Thing
6 Mother Earth
7 Just Got Paid
8 Left Coast Groovies
9 World of Difference
Bonus Track World of Difference (Alternate Version/Original Mix)
En 1994 naissait Gov’t Mule, un fameux « power trio » qui ne mesurait pas encore à l’époque l’énorme impact qu’il allait avoir sur le petit monde de la musique. Á l’origine, ce groupe a été fondé par le guitariste Warren Haynes et le bassiste Allen Woody pour combler le vide entre deux tournées de l’Allman Brothers Band. Matt Abst, le batteur de Dickey Betts, rejoint les deux comparses et l’aventure musicale démarre en se basant sur le fameux principe « Jouons ! On verra bien ce qu’il en sort ! ».
Le résultat dépasse leurs espérances et les trois musiciens définissent les critères du « jam band » sudiste : technique instrumentale, feeling, bon choix des reprises, qualité des compositions et des improvisations. Ils investissent le studio Tel-Star, situé en Floride, pour enregistrer quelques titres originaux ainsi que plusieurs reprises. Le légendaire producteur Tom Dowd leur aurait conseillé de jouer tous ensemble au lieu d’enregistrer leurs parties instrumentales séparément. De cet avis judicieux découlent donc ces bandes qui datent de 1994 et qui témoignent de la féroce envie de jouer de ces artistes et de l’alchimie quasi surnaturelle née de leur association. Le son est brut et on a l’impression de se trouver dans le studio. La guitare n’a été doublée que sur quelques morceaux seulement, ce qui confère à ce disque la spontanéité d’une improvisation en live. Ces enregistrements dépouillés nous font redécouvrir des choses évidentes, tellement évidentes qu’on avait presque fini par les oublier.Le style de Warren Haynes qui mélange avec bonheur diverses influences musicales (rock, blues, rhythm'n’blues, jazz). La frappe volontaire de Matt Abst. Et surtout le regretté Allen Woody et sa basse tour à tour ronflante, agressive, enivrante et parfois à la limite de la saturation. La basse dans toute sa splendeur, comme elle devrait toujours l’être.
L’album commence avec « Blind man in the dark », un morceau rock/jazz-rock sonnant très « seventies » avec plusieurs changements de rythme. Cette composition originale prouve la maîtrise technique et le feeling des trois musicos. « The same thing » de Willie Dixon balance bien et démontre tout le talent de Warren Haynes qui s’éclate aussi sur le blues-rock mid tempo « Monkey hill » et sur le lancinant « Mr Big ». « Left coast groovies » se rapproche du jazz-rock de Sea Level avec des plans de guitare monstrueux. Les deux versions de « World of difference » s’éternisent un peu mais n’oublions pas que les longues improvisations constituent la formule de base de la Mule.
Par contre, trois pépites étincelantes se dégagent de cette savoureuse galette.
Tout d’abord « Rocking horse » et son « southern groove » à la Allman Brothers avec la basse très présente d’Allen Woody. Sur ce titre, Warren a rajouté un solo à la tierce du plus bel effet. L’ABB reprendra d’ailleurs ce titre sur l’album « Hittin’ the note » paru en 2003.
Ensuite, le blues « Mother Earth » (déjà repris avec maestria par Johnny Winter en 1988 sur son album « Winter of 88 ») sur lequel Warren expose tout son amour de la « blue guitar ».
Et puis, l’excellente reprise de « Just got paid » de ZZ Top avec une slide mordante et une basse entêtante. Une version d’anthologie !
Rien qu’en écoutant ces trois titres magiques, on comprend mieux le parcours incroyable de la Mule.
En 1994, nos trois musiciens ne se doutaient certainement pas des répercussions qu’allait avoir leur petit « bœuf » improvisé ni que, vingt-deux ans plus tard, Gov’t Mule serait devenue une institution incontournable de la musique américaine.
On peut donc considérer cet album crucial comme un témoignage historique que tout amoureux de la musique se doit de posséder mais aussi comme un vibrant hommage au génial Allen Woody, bassiste d’exception.
On dira ce que l’on voudra mais depuis sa mort, plus rien n’est pareil !
Olivier Aubry